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Lactorate

Qui, Lacarry ?

Qui, Lacarry ?

On va parler d'un Lactorate prestigieux, ça nous changera un peu.

Blason des Lacarry

    Jean Lacarry. Pardon, Jean de Lacarry (c'est toujours mieux avec une particule). Et même : Jean Charron de Lacarry, baron de Mauléon. Là, ça devient plus présentable, vous ne trouvez pas ?

Le blason des Lacarry, ©Pertuzé

    Cela ne vous éclaire pas beaucoup ? Nous en sommes tous là, à un moment ou à un autre. Il n'y a pas si longtemps, j'ignorais tout de Jean Lacarry. Maintenant, je n'en sais pas beaucoup plus, mais je peux étaler mon manque de science, en tirant à la ligne je peux espérer arriver au bout d'une chronique de taille honorable, qu'il suffira d'étoffer au fur et à mesure que des détails se feront jour, on peut toujours espérer.

    Jean Lacarry est un poète lectourois du XVIIe siècle. C'est déjà bien : on n'a pas ses dates de naissance ni de mort, on sait qu'il est né dans les premières années du siècle, et par conséquent qu'il a quitté ce monde vers la fin du même, ou au début du suivant.

    Comme poète, disons que c'était un amateur, il n'a pas produit beaucoup, ce qui fait qu'on l'a totalement oublié. En plus, il ne poétisait qu'en français, et un peu en latin. Pas de vers gascons (ou toulousains) pour attirer l'attention des spécialistes du genre. Il faut attendre 1884 pour que l'érudit gersois Philippe Tamizey de Larroque le découvre, et que l'année suivante le docteur Jean-Baptiste Noulet rajoute son grain de sel, les deux étudiant avec soin les deux petits recueils de poèmes laissés par Lacarry.

    Selon nos deux savants, c'est un bon poète, doté d'un certain esprit. Pour notre époque contemporaine, un peu difficile de goûter aux références mythologiques et aux allégories destinées à encenser rois, princes et personnes en vue. 

Grand Monarque, l'amour et l'honneur de cet âge,
Qui rend les Dieux ialoux de tes exploits divers,
On ne voit rien qui puisse émouvoir ton courage
Dont la gloire a desia remply tout l'univers.

(Sonnet au Roi)

    Il y a quand même des côtés touchants lorsqu'il s'avoue incapable de dépeindre la femme aimée.

Tel, et plus confus aujourd'huy
Cherchant quelque moyen de soulager l'ennuy
Que j'ay de ton absence,
De tes divins appas je médite un tableau :
Mais dedans mon esprit ton visage est si beau,
Que je crains, et vois mesme avant que je commence,
Qu'au lieu de ton portrait je te trace un tombeau. 

(Triomphe de la fleur de Violette)

    Jean Lacarry serait né « au château de Lacarry, aux environs de Lectoure ». Vous voyez où ? Pas moi. De deux choses l'une : ou ce château a changé de nom, depuis ce temps, en changeant de propriétaire : ainsi, le château de Magnas* a-t-il été un temps une propriété des Lacarry, mais apparemment bien après la naissance de notre poète, donc, où étaient-ils auparavant ? Ou il s'agit du château de Lacarry, qui n'est pas vraiment aux environs de Lectoure, puisque Lacarry (aujourd'hui Lacarry-Arhan-Charritte-de-Haut) est un village basque, en Soule, à côté de Mauléon-Licharre. Mauléon, comme le baron de Mauléon, dites-vous ? Oui et non. Pas si vite. La famille Lacarry a ses origines en Soule. C'est une des dix familles à avoir le titre de potestat, vieux titre de puissance en Soule. Son blason représente une serrure et une clé, sans doute parce que les Lacarry surveillaient avec soin la frontière de leurs États : on ne passe pas ! Pour faire court, un seigneur de là-bas, Bertrand de Mauléon, s'en alla épouser, vers 1120, une demoiselle de la vallée de la Barousse, département actuel des Hautes-Pyrénées, pour fonder la ville de Mauléon-Barousse, et la baronnie de Mauléon. Vous suivez ? La Barousse faisait partie des Quatre-Vallées, qui appartenaient au comté d'Armagnac, jusqu'à ce que Jean V d'Armagnac fasse l'andouille au-delà de ce qui était permis, se fasse assiéger dans Lectoure par les troupes du roi Louis XI, et assassiner. C'était, vous vous en souvenez, en 1473. Bon, entre-temps, les Lacarry de Lacarry avaient dû suivre le mouvement, et se trouver assez fortunés pour hériter, ou acheter, la baronnie de Mauléon. Michel de Lacarry vient s'installer à Lectoure en 1480. Il a un fils qui s'appelle Bertrand. Bertrant a deux fils : Jean I, et Pierre. Pierre devient procureur au parlement de Toulouse, et en 1629 il est capitoul de Toulouse. Pierre lui-même a un fils, c'est Jean II de Lacarry, et c'est notre poète.

    Et voici le petit Jean qui grandit. Pour situer un peu, il doit être encore enfant, en 1632, quand le duc de Montmorency passe par Lectoure avant d'être exécuté à Toulouse. Il est encore écolier, c'est-à-dire étudiant, étudiant en droit comme le fut papa, lorsqu'il participe aux Jeux floraux. Les Jeux floraux, c'est une institution toulousaine, genre jeux olympiques, mais on n'y fait que de la poésie, avec des épreuves libres, des catégories, des figures imposées. On n'y gagne pas des médailles, on y récolte des fleurs. Et voilà le jeune Lacarry récompensé d'un Souci. En 1636, il publie son premier recueil de poèmes, Clytie, pour le Triomphe du Soucy : un tout petit livre, avec ses poèmes, avec des dédicaces en vers terriblement lèche-bottes à l'intention de son protecteur, le président de Bertier, et aussi des poèmes écrits et offerts par ses amis qui lui font des tonnes de compliments (parmi ses copains, un Paris de Lectoure, de cette famille Pâris qui posséda le château de Vaquier et qui joua un grand rôle dans le développement du jansénisme à Lectoure ?). Rien que de très normal, c'est comme ça que ça marche en ce temps. Comme le titre du recueil de poèmes, on n'a pas à se casser la tête pour en trouver un original, c'est « Triomphe » pour tout le monde. Tu as gagné un Souci ? C'est « Triomphe du Souci ». Roulez, jeunesse.

    Content de son Souci, Lacarry retente sa chance deux années suivantes, mais on ne gagne pas à tous les coups. Quoique fortement marri, il insiste, et enfin il remporte une Violette. Cela fera un second recueil, intitulé ? Oui, Triomphe de la fleur de Violette, en 1640, signé cette fois Charron de Lacarry. Pourquoi Charron, on ne sait pas : peut-être le nom de sa mère ? Il n'est plus de Lectoure, il est toulousain. Et il le reste. Tellement Toulousain que, devenu avocat, il est à son tour capitoul de la ville en 1682. Et vers la fin de sa vie, il est juge aux Jeux floraux, c'est lui qui maintenant décerne les fleurs. En 1694, il porte plainte contre ses servantes Annette et Domenge, qu'il accuse de vol domestique. Petite vie des grands hommes.

    Ses descendants sont encore, au moins jusqu'à la Révolution, des figures de la noblesse toulousaine. Et puis après, on oublie les Lacarry, sauf si on retrouve un petit opuscule de vers, et qu'on se demande d'où il peut bien être sorti❦

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